sur le giro 49

Dino Buzzati

éditions So Lonely, 2017

14.00 €

J’avais à peine 24 ans lorsque ce livre, pareil à aucun autre, atterrit un matin sur mon bureau. Jeune journaliste au Monde, je faisais douleureusement le deuil de mes rêves de champion cycliste. C’était le printemps de 1984. J’avais ravalé mes ambitions de maillot jaune. Une petite mort. Et j’avais troqué mon énergie de coureur amateur contre une foi sans limite dans mon métier de Rouletabille. L’enjeu était toujours le même : s’échapper pour aller plus loin, et voir du pays…

On se frotte les yeux. Les pages que l’on va lire on été rédigées jour après jour, étape après étape, dans l’urgence du journalisme – la presse est toujours pressée – par Dino Buzzati. Buzzati, vraiment ? Comment l’auteur du Désert des Tartares, du K ou de Barnabo des montagnes s’est-il retrouvé à raconter les faits d’armes des coureurs du Giro ? Il fallait un sens aigu du récit, une vélocité certaine de l’imagination pour voir en Bartali et Coppi des personnages de tragédie, des héros d’Homère. Pour Buzzati cela ne faisait aucun doute. Gino le Pieux, fervent chevalier sans peur et sans reproche, était Hector. Celui qu’un jour – mais quel jour ? – Achille, alias Coppi, aller terrasser. C’est ainsi qu’en remontant le mécanisme  de la légende, l’auteur (ré)inventa pour son lecteur tenu en haleine une fable moderne, le combat de l’ancien et du moderne.

Le cyclisme, le journalisme pratiqué par un écrivain, et quel écrivain ! La machine à rêve pouvait tourner à plein régime….

Eric Fottorino