samedi 2 avril 2019 à 20h00
Vernissage de l’exposition d’une série photographique de Marianne Marić.
« Je suis belle, ô mortels ! Comme un rêve de pierre… » Charles Baudelaire, La Beauté (1857)
« Quand les hommes sont morts, ils entrent dans l’histoire. Quand les statues sont mortes, elles entrent dans l’art. Cette botanique de la mort, c’est ce que nous appelons la culture. » Ainsi commence le film d’Alain Resnais et Chris Marker Les statues meurent aussi (1953).
Marianne Marić reprend ce bel étendard, Les statues meurent aussi, pour titrer une série photographique où cette botanique de la mort, appelée culture, est mise en scène à rebours. Des modèles vivants apparaissent, des amies et muses de l’artiste, nues ou partiellement dénudées, en rapport physique parfois acrobatique et fantasque, toujours érotique, avec des statues de marbre ou de bronze qui semblent réanimées par cette intimité avec le vivant. L’amour des statues a un nom : l’agalmatophilie. « De nombreux récits attestent que l’on peut entretenir avec les œuvres d’art des relations plus proches de la passion amoureuse et de ses variantes fétichistes que de la délectation sereine et contemplative que l’on attribue volontiers au connaisseur. […] De l’amour de l’art à l’amour tout court, n’y aurait-il qu’un pas ? » énonce la neurologue et historienne des sciences Laura Bossi en ouverture de son livre De l’agalmatophilie (2012). Au commencement était Pygmalion, dans les Métamorphoses d’Ovide, qui s’éprend de sa création, une statue à laquelle la déesse Vénus donne vie. Soustraite à la botanique de la mort, à la culture, au statut d’œuvre d’art, la statue devient simulacre : un état ambigu né de l’illusion humaine et du sortilège divin – ou photographique. Cette ambiguïté dans la série de Marianne Marić semble agir sur la vie de ses modèles, saisies par le flash de l’appareil et pétrifiées par la pose. Cette ambiguïté charnelle du vif saisi par le mort et inversement, de la figure qui s’anime et du corps qui se fige, c’est aussi la mise en scène ou le partage du corps comme objet et sujet : quelle est la nature du modèle ? Modèle désirant et objet du désir, le modèle de la photographe est un agent double.
La Librairie Petite Égypte et Marianne Marić invitent le 6 avril trois danseuses cancan qui sont aussi les muses et modèles occasionnels de la photographe : Antoinette Marchal, André Gine et Cœur d’Artichaut, toutes trois issues de l’école de Monika Knap. Marianne Marić s’intéresse au cancan comme forme subversive des normes chorégraphiques, des genres artistiques et des hiérarchies culturelles. D’origine populaire, cette danse est un joyeux chahut de femmes dont les figures sont des armes ; les danseuses crient, sautent en l’air, font le pas de charge, prennent la pose guerrière, jouent de front avec leur public la séduction et la provocation.
Marianne Marić est photographe. Elle vit entre Mulhouse et Paris, expose dans des centres d’art contemporain et divers lieux dédiés à la photographie, dernièrement lors de la Biennale d’Athènes (Grèce) et du Landskrona Foto Festival (Suède), à La Filature de Mulhouse et au Quadrilatère de Beauvais.