vendredi 23 mars 2018 à 19h00
Rencontre avec la sociologue Sara Angeli Aguiton autour de son livre La démocratie des chimères – Gouverner la biologie synthétique, récemment paru aux éditions Le bord de l’eau. Une rencontre animée par le sociologue Benjamin Raimbault.
Peut-on faire produire du carburant à des bactéries ? L’ADN peut-il être découpé et agencé à volonté afin de créer des organismes fonctionnels et utiles ? Un virus éteint peut-il être refabriqué en laboratoire, puis envoyé par voie postale à un chercheur qui en aurait fait la commande par internet ? Un débat public a-t-il prise sur ce type de biotechnologie ? Les politiques de prévention du « bioterrorisme » parviennent-elles à se saisir de ces objets de laboratoire ? Grâce à une enquête sociologique menée en France et aux États-Unis, l’ouvrage suit les anthropologues qui se sont embarqués dans les laboratoires pour donner une orientation éthique aux recherches, les débats publics qui ont été organisés pour démocratiser la biologie synthétique, ou encore les partenariats entre agents du FBI, scientifiques, industriels et biologistes amateurs visant à concilier innovation et « biosécurité ». A contre-courant des analyses qui célèbrent l’avènement d’une « démocratie technique » ou d’une « innovation responsable », l’auteur prend ces labels pour objet d’étude. Il interroge le lien étroit entre leur mobilisation précoce par les acteurs et actrices de l’innovation et la faiblesse de leurs effets sur l’orientation des recherches. Quoi que « participatifs », « collaboratifs », « interdisciplinaires » et « réflexifs », les dispositifs de gouvernement de la biologie synthétique sont structurés par des intérêts techno-industriels qui pèsent sur la définition des problèmes et des solutions à mettre en œuvre. Ainsi, le livre permet de comprendre comment les risques induits par la biologie synthétique ont été écartés des dispositifs de régulation : ces dispositifs se sont surtout centrés sur la prévention de la contestation et du terrorisme, deux problèmes qui ne concernent la biologie synthétique que parce qu’ils risquent de freiner son développement.