jeudi 02 mars 2017 à 19h00
Et si la mode n’existait plus ? La revue Modes pratiques, créée par l’école de design Duperré et l’Université de Lille 3, s’est mis en tête d’explorer ces rêves de vie sans la mode qui, parfois, virent au cauchemar. Son nouveau numéro paru en janvier ausculte les groupes qui vivent, souvent par rejet, parfois du fait de leur éloignement, à l’écart des phénomènes et du système de la mode.
Présentation du numéro 2 en présence de Thomas Grillot, sur les vêtements dans la réserve indienne de Standing Rock, Jing Wang, sur les vêtements brûlés pour les ancêtres en Chine, Gabrielle Smith, sur Diderot et sa robe de chambre fatiguée, Marc Cluet, sur le nudisme intégral en Allemagne vers 1900, Catherine Rouvière, sur les hippies français. Présentation animée par Emmanuel Laurentin, producteur de La Fabrique de l’Histoire (France Culture).
Editorial :
Et si la mode n’existait plus ?
À l’heure où la global fashion semble tourner à vide à coups de ventes privées et de manifestos, le numéro deux de Modes pratiques s’est mis en tête d’explorer ce rêve têtu qui sans cesse renaît de ses cendres : vivre sans la mode.
À l’arrivée :
L’allergie anticapitaliste. La mode est le mal absolu, la black box du désastre contemporain. La Belle prétend faire rêver? Le rêve est un cauchemar : usines en fuite, ateliers fantômes, centres-villes contaminés, vêtements orphelins par tombereaux, corps de poupées anorexiques, salaires d’esclaves, consommateurs aliens et aliénés, directeurs artistiques en burn out et stagiaires en rade. Pour elle : sortir de la mode comme d’une addiction, et éradiquer le mal.
Les visions des idéologues. Religieux qui veulent bannir vanités, tentations et corruptions de la mode. Et l’apparente pauvreté ou l’uniforme rigoriste pour vêtements, fixés par les textes contre l’industrie et l’air du temps. Politiques aussi, qui tentent d’abolir les classes sociales et, avec elles, la distinction. Régimes autoritaires qui décrètent des uniformes, tentent de réformer les corps et s’acharnent contre l’éphémère comme s’ils voulaient suspendre l’histoire.
Dans les marges, les utopies de l’apparence pour tout de suite. Se défaire des vieux oripeaux qui contraignent et trahissent les corps. Les mythes des origines rôdent. Options : vivre dans le plus simple appareil – Adam et Eve étaient-ils vraiment nus au Paradis ? Faire ses propres vêtements. S’inspirer d’hier – des couturières, des tailleurs et du folklore – pour habiller aujourd’hui. S’inspirer d’ailleurs pour s’habiller ici et ébaucher une autre mondialisation.
Enfin, puisque le ver est dans le fruit, le paradoxe des « anti-modes ». Elles exaltent l’individu – au plus une communauté – contre la foule mondiale et souvent populaire des médias, des réseaux, des malls et du prêt-à-porter à l’obsolescence programmée.
Des rêves, quelques cauchemars, des contre-rêves, pas mal de pratiques, beaucoup d’histoires.
