jeudi 23 janvier 2020 de 19h30 à 21h30 à la MC 93 de Bobigny
Rencontre avec le philosophe théoricien du postcolonialisme, politologue et historien Achille Mbembe, à l’occasion de la parution de son dernier livre, Brutalisme, et de la parution en poche de son livre De la postcolonie (La Découverte). Une soirée animée par la journaliste Séverine Kodjo-Grandvaux (Le Monde, Jeune Afrique).
Brutalisme
Achille Mbembe offre ici une lecture novatrice des paradoxes qui structurent en profondeur notre jeune XXIe siècle. Face à l’hégémonie du tout-quantifiable, il interroge les fondements, ainsi que les conséquences politiques, d’un nouvel ordre du monde qui se nourrit autant de rationalités abstraites que d’aspirations animistes.
Toutes les sphères de l’existence sont désormais pénétrées par le capital, et la mise en ordre des sociétés humaines s’effectue dorénavant selon une seule et même directive, celle de la computation numérique. Mais alors que tout pousse vers une unification sans précédent de la planète, le vieux monde des corps et des distances, de la matière et des étendues, des espaces, des objets et des frontières, persiste et se métamorphose. Cette transformation de l’horizon du calcul se conjugue paradoxalement avec un retour spectaculaire de l’animisme, pendant que l’extension des logiques de quantification entraîne une accélération inédite du devenir-artificiel de l’humanité.
Ce devenir-artificiel de l’humanité et son pendant, le devenir-humain des objets et des machines, sont saisis dans cet essai sous le nom de brutalisme, une notion qu’Achille Mbembe caractérise par l’étroite imbrication de la raison économique, de la raison électronique et de la raison biologique. Vecteurs privilégiés du néovitalisme qui nourrit le néolibéralisme, animisme et brutalisme accompagnent notre passage à un nouveau système technique plus réticulaire, plus automatisé et plus abstrait.
Ce nouvel essai d’Achille Mbembe se penche en particulier sur les conséquences politiques de ce nouveau système technique et sur la répartition coloniale de la planète qu’il suscite. L’auteur propose par ailleurs des solutions à certaines des grandes questions du siècle, celles qui interrogent de la façon la plus radicale l’espèce humaine : le repeuplement en cours de la Terre, la traque des corps d’abjection, les nouvelles pratiques de triage et de sélection par le biais des technologies de la sécurité, la circulation des humains et des objets, le futur de la vie et de la raison, ou encore la nécessaire décarbonisation de l’économie, voire du vivant.
De la postcolonie. Essai sur l’imagination politique dans l’Afrique contemporaine
Tenir un discours raisonnable sur l’Afrique subsaharienne ne va pas de soi, tant elle est considérée dans le discours occidental comme l’Autre absolu et jamais pour elle-même. Achille Mbembe montre les conséquences de l’extrémisme de tels discours. S’appuyant sur la contemporanéité, il cherche à rendre compte de quelques formes de l’imagination politique, sociale et culturelle.
Ce que l’Afrique en tant que notion met en crise, c’est la façon dont la théorie sociale a, jusqu’à présent, pensé le problème du basculement des mondes, de leurs oscillations et de leurs tremblements, de leurs retournements et de leurs déguisements. C’est aussi la façon dont cette théorie a échoué à rendre compte du temps vécu dans sa multiplicité et ses simultanéités, sa volatilité, sa présence et ses latences, au-delà des catégories paresseuses du permanent et du changeant qu’affectionnent tant d’historiens.