écrire le terrain

-vendredi 17 mai 2024 à 19h

À la veille des élections présidentielles au Mexique, un éclairage sur une scène politique méconnue, dans une étude qui compte notamment parmi ses enquêtés l’actuelle candidate Claudia Sheinbaum.
Par-delà les analyses en termes de clientélisme, une appréciation fine des dynamiques de mobilisation.
De Maïdan à Nuit debout, les années 2010 ont été secouées par les mouvements d’occupation de l’espace public. Tous ont suscité une même question sur leurs débouchés politiques concrets. À cet égard, le cas du Mexique apporte un décalage éclairant. La contestation du résultat des élections présidentielles de 2006 donne en effet lieu à un vaste campement contestataire installé au coeur de Mexico durant 48 jours, initiant une dynamique qui débouche, douze ans plus tard, sur l’accession au pouvoir d’Andrés Manuel López Obrador.
Année après année, Hélène Combes a suivi nombre de protagonistes de ce mouvement. Son enquête revient sur les principales étapes de sa structuration – du tour du Mexique entrepris par Obrador à la création du parti Morena, en passant par la constitution de brigades de militantes ou la mise sur pied d’un journal. En retraçant les trajectoires politiques et sociales de quatre protagonistes, représentatifs de différents foyers de contestation au sein d’une des plus grandes villes du monde, elle met en lumière les modalités de mobilisation croisant classes, genres, territoires et structuration du champ politique.
Que fait la politique d’immigration européenne aux liens, aux familles et aux corps ? Que faire des corps des disparus de l’exil et comment leur rendre la dignité humaine qui leur a été niée jusque dans la mort ?
Sur les côtes de la mer d’Alborán, Marie Cosnay explore la question des morts sur les routes de l’exil, le refus européen de leur accorder une inhumation ou un rapatriement dignes. Elle démasque les meneurs d’un commerce sordide, les vautours qui s’enrichissent du désespoir des familles de disparus, autour de la recherche de ces corps, de leur identification et cherche inlassablement le frère de son ami Ryad, disparu en mer d’Alborán, en tentant de voir les bateaux, de modéliser les naufrages, pour comprendre ces drames.
Des îles (mer d’Alborán 2023) est le dernier volume d’une trilogie qui restera, comme un témoignage au présent de la période que nous traversons, à la fois « l’instruction d’un procès à venir » et le récit d’une catastrophe humanitaire.
De la sociologie au récit militant, en passant par l’enquête journalistique ou encore l’anthropologie, le terrain s’ouvre à de plus en plus de forme d’écritures, qu’on réunit parfois sous l’appellation de « non fiction » . Cet intérêt partagé pour l’enquête et l’immersion, qu’on ne sait pas encore trop nommer, semble avoir en commun le désir de trouver une forme qui puisse restituer le réel au plus juste. Qu’est-ce qui les rapproche et qu’est ce qui les distingue ? Qu’apporte la démarche scientifique et/ou littéraire à l’enquête ? C’est pour encourager ce dialogue que les éditions de l’Ogre et la Librairie Petite Égypte initient un cycle de rencontres consacrées à l’écriture de terrain. Le 17 mai prochain à 19h, en ouverture de ce cycle, Marie Cosnay, activiste et autrice de la trilogie « Des îles » (l’Ogre 2021-2024) invitera Hélène Combes, directrice de recherche au CNRS, à l’occasion de la parution de « De la rue à la présidence. Foyers contestataires à Mexico (2006-2018) » (CNRS, 2024).